Portrait d’un enfant oublié

Ou le garçon à côté de Suzanne…

Longtemps la famille s’est interrogée sur l’enfant photographié à côté de Suzanne. Elle, elle est bien reconnaissable du haut de sa première année, avec ses pommettes bien joufflues !

L’autre enfant ne lui ressemble pas. Autant les yeux de Suzanne sont petits et en amandes, autant ceux de ce garçon sont ronds et bien ouverts. De plus, une des oreilles semble décollée.

D’où vient-il ? Est-ce un cousin ou un enfant d’ami (e) ? Pourtant, cette photo, habituellement, se pratique pour une fratrie. Il ne pouvait s’agir d’André, décédé accidentellement le 5 septembre 1929. (voir Frieda D. amoureuse ) à l’âge de deux ans.

Le mystère est resté entier, jusqu’au moment où une généalogiste (voir À la recherche de la famille) est venue confirmer ce que Frieda a toujours affirmé. Elle avait eu un second garçon en plus de sa fille, Suzanne !

Honoré André

Le 16 octobre 1930, Honoré André naît à l’hôpital Trousseau de sa mère Frieda, domestique, habitant au 16 Boulevard Carnot. C’est une personne qui a assisté à l’accouchement qui fait la déclaration. Il porte le nom de sa mère, Dick.

Déjà un an qu’André est décédé et tant de choses se sont passées pour Frieda. De son couple avec Jacob, il ne reste plus rien. Est-il parti, culpabilisé de s’être endormi et de n’avoir pas suffisamment protégé André ? Est-ce que c’est elle qui ne pouvait plus supporter la présence du père, maintenant que son enfant n’est plus ! Impossible de le savoir ! En tout cas, en 1931, Jacob est encore à Longlaville en Meurthe-et-Moselle, le recensement l’atteste. Alors que Frieda est déjà à Paris dès octobre 1929, date de sa nouvelle demande sur son passeport.

En tout cas, si Honoré André naît en octobre 1930, il a été conçu vers janvier 1930, soit quatre mois après le décès d’André.

Frieda est-elle déjà à Paris ? Que fait-elle ? Où est-elle hébergée, elle qui ne connaît personne dans cette ville ? Il est probable qu’après l’accident d’André, Frieda est appelée à l’aide quelqu’un de confiance. A-t-elle repris contact avec sa mère, Elisabeth Dick, vivant en Suisse ? Peut-être ! En tout cas, si celle-ci lui a recommandé de revenir à Grossalffoltern, Frieda n’a pas voulu.

On peut imaginer qu’en arrivant à Paris, en octobre 1929, Frieda est désespérée d’avoir perdu son enfant, s’est séparée de sa petite Suzanne, ici ou à Nancy, et aussi de son père. Elle cherche udu travail. Elle semble avoir toujours été serveuse ou domestique.

Avec Honoré, se sont-ils connus dans le café où elle travaillait ou à la sortie de l’église comme le dit la rumeur familiale ? En tout cas, ils ont décidé de vivre ensemble, de reprendre la petite Suzanne, et peut-être…Mais, là, c’est une autre histoire !

Toujours est-il que quelqu’un lui avait suggéré de se trouver un homme sérieux qui saurait la protéger et l’aider à élever sa fille. Mais, où trouver un homme bien sous tout rapport ? À l’église, bien sûr ! Rien n’indique dans la famille si Frieda était catholique, mais elle a dû fréquenter un peu activement les services de l’église pour faire la connaissance de son futur mari.

Enfin, un foyer stable !

Honoré François Martin Gauchet a 40 ans en 1931. Il a enterré sa mère l’année précédente. Incorporé à 25 ans dans l’armée, il a demandé sa retraite en 1928. Il a trouvé une place d’aide-comptable aux usines Renauls de Billancourt. En tout cas lorsqu’Honoré André naît, il le reconnaîtra presque un mois après sa naissance.

On peut justement se demander pourquoi cet homme, qui aimait l’ordre et la règle, n’a pas lui-même enregistré la naissance d’Honoré André, comme n’importe quel père !

La recherche d’un homme bien effectuée par Frieda a enfin porté ses fruits ! En fréquentant assidûment l’église, elle, qui avait trouvé un emploi de domestique dans le quartier, a réussi à faire la connaissance de cet homme, bien sous tout rapport. Elle a 25 ans. Fringante et pas timide, l’approche a dû être longue, de dimanches en dimanches. On peut imaginer qu’il a fallu que Frieda apprivoise le vieux garçon pour le convaincre de prendre de femme.

Vers janvier 1930, Frieda a-t-elle fait une mauvaise rencontre ou s’est-elle laissée aller un peu en se laissant séduire par un bel homme. Là encore, impossible de le savoir ! En tout cas, elle se retrouve de nouveau enceinte. Elle ne songe pas à demander de l’aide à une faiseuse d’anges. Alors, il devient urgent de trouver quelqu’un. Il est probable que le rapprochement avec Honoré s’est effectué au moment où Frieda a su qu’elle était enceinte !

En tout cas Honoré André naît*. Il a porté le nom Dick pendant presque un mois comme André, le premier.

En 1931, le recensement indique qu’Honoré habitent au 16 Boulevard Carnot dans le 11ème*, Frieda est « son amie », Suzanne est déclarée fille adoptive et Honoré André est bien nommé fils.

16 rue d’Artois – Paris 11è

Mais, de nouveau…

La joie familiale fut de courte durée. Le 25 mai 1932 à 20h30, Honoré André décède à l’hôpital Trousseau.

Que sait-il passer ? Comment Honoré André est mort ? Comment supporter la mort d’un second enfant, qui plus est presque encore un bébé ? Il aurait eu deux ans, six mois plus tard, l’âge du décès d’André. Cette douleur a dû faire une déflagration énorme et réveiller la souffrance du deuil d’André.

Possible que Frieda est vécue une période dépressive et qu’Honoré a été très présent pour Suzanne.

Pour en savoir plus…

Pour connaître les raisons de ce décès, direction les archives de l’AP-HP.

Elles se situent à l’hôpital Bicètre, un vrai dédale sans bonne signalétique. Il faut arpenter, demander, mais comme personne ne connaît, on tourne et retourne autour, sans vraiment les trouver. Avec patience, on découvre un pavillon agréable.

En retrouvant le certificat de décès de l’hôpital Trousseau, on apprend qu’Honoré André est entré à l’hôpital le 14 avril 1932* pour un « Broncho-Eczéma ». Il y est décédé dans la soirée du 25 mai.

Utile pour les recherches généalogiques

  • Si un de vos ancêtres est personnel de santé (médecin, dentiste, infirmière, etc) de 1922 à 1975, les Archives nationales conservent leurs dossiers sous les cotes 19810033/1-19810033/214

Le contenu est détaillé ici ou encore dans la salle des inventaires virtuelle aux Archives nationales.

Légende

*Actes d’état civil archivés.

FAMILLE SUISSE

FILIATION

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